Affichage des articles dont le libellé est Ferry Victor. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Ferry Victor. Afficher tous les articles

12 mars 2022

Poutine sous l'œil de Socrate

Il a osé ! Après avoir bombardé l'Ukraine, Poutine a décidé devant ses Généraux de mettre sa force de dissuasion nucléaire en état d'alerte, en sus d'un recours possible aux armes chimiques. Dans cette escalade verbale, le spécialiste en rhétorique Victor Ferry nous explique comment répondre à la provocation. Pour illustrer son propos, il reprend l'échange verbal par médias interposés auxquels se sont livrés Biden et Poutine lorsque le premier, quelques mois auparavant, a qualifié le second de "tueur". Il relève au passage l'habileté de Poutine pour ce genre de joute oratoire où celui-ci semble maîtriser parfaitement l'art de convaincre, dût-il user de toute sorte de ruses, d'artifices et de mensonges pour y parvenir. Plus inquiétant est la fascination que cette rhétorique exerce sur nos opinions occidentales encore libres d'y succomber, au risque un jour de s'y soumettre.


Passé cet instant de séduction, il faut revenir au dialogue rapporté par Platon entre Gorgias et Socrate. Gorgias est un sophiste qui enseigne la rhétorique et considère que l'art de bien parler est le meilleur de tous les arts exercés par l'homme. Quant à Socrate, il dénonce la sophistique comme un art du mensonge. D'après Socrate, la rhétorique en politique est une pratique sans valeur, car elle n'apporte pas la vérité puisque tout rhéteur se vante de pouvoir soutenir avec la même intensité une thèse, puis son contraire. La rhétorique est même dangereuse quand elle sert à manipuler l'opinion publique à mauvais escient, telle la propagande pratiquée par Mussolini, Hitler et Franco au sein même de l'Europe il y a moins de cent ans. Socrate ajoute que l'enseignement du rhéteur est une «mauvaise nourriture» pour l'âme, car elle n'apporte jamais la vérité et le savoir rationnel, mais seulement une apparence de vérité, un semblant de cohérence sans bases solides et qui faussent la vertu de l'homme. Ainsi, le philosophe met en garde sur le fait que la rhétorique puisse réellement distinguer le juste de l'injuste, le bien du mal, le beau du laid. Certes et contrairement au communisme, Poutine reconnaît l'Église orthodoxe russe et ses valeurs chrétiennes. Mais, de toute évidence cette doxa religieuse s'applique d'abord au peuple russe et pas à son Président, ni ses obligés. Cette petite cogitation ne doit surtout pas faire oublier qu'en ce moment même des Ukrainiens font le sacrifice de leur vie pour que nos démocraties apeurées puissent encore espérer demain rester libres, indépendantes et pacifistes.