19 janvier 2024

Cholestérol: Le reportage crassement infox du magazine médical de la RTS "36,9"


À réécouter attentivement le reportage diffusé en 2012 titré "Cholestérol, un business qui rend malade" et à lire les commentaires postés depuis le 2 août 2023 sur la chaîne YouTube de l'émission "36,9", c'est plutôt ce reportage de désinformation qui rend malade.

D'abord lesdits commentaires (excepté ma très modeste contribution) sont tous favorables aux conclusions prises par l'émission il y a onze ans. Une ruée de plusieurs centaines de commentaires à ce jour, anonymes, impersonnels ou par ouï-dire (on repassera pour l'authenticité), autant inconsistants qu'affligeants, mais surtout dithyrambiques ad nauseam au point où l'on se demande si on n'a pas affaire à un bataillon de trolls et robots comme c'est souvent le cas sur les réseaux sociaux. Mise en ligne le 2 août 2023, la vidéo comptabilise des milliers de vues par jour alors que la même vidéo sur une autre chaîne YouTube n'a pas dépassé la moyenne de cinq vues par jour en l'espace de neuf ans. Cherchez l'erreur ! Est-ce vraiment l'effet "36,9" ou y a t-il "anguille sous roche", "baleine sous gravillon", ou si vous préférez une campagne de propagande savamment orchestrée par des officines occultes, davantage comploteurs que complotistes, qui trouvent  bien plus profitable à long terme de décrédibiliser l'effet thérapeutique des statines que d'améliorer la prévention des maladies cardio-vasculaires ?

Ensuite l'émission en elle-même où les journalistes ont cru nécessaire de créer une controverse sur l'emploi des statines par des millions de gens alors qu'en fait, d'après les propos du Dr Nicolas Rodondi cité dans le reportage, seuls 5 à 10% des patients se plaignent d'effets secondaires, ce qui légitimerait aux yeux desdits journalistes de choisir un titre aussi trompeur et malhonnête que: "Un business qui rend malade" Or, tout le monde sait que la plupart des médicaments autorisés ont des effets secondaires. Mais, ce n'est certainement pas une raison suffisante pour jeter le discrédit sur une balance risque/bénéfice qui demeure globalement très favorable pour les 90 à 95% de patients restants. Il en va ainsi  pour les statines qui, avant leur découverte dans les années quatre-vingts dix, attestaient que les hommes non traités à l'approche de la cinquantaine s'écroulaient brutalement dans la rue pour mourir d'une crise cardiaque, époque pas si lointaine où l'on qualifiait encore le cholestérol de "tueur silencieux". L'apparition des statines a permis fort heureusement d'améliorer la prévention primaire des maladies cardio-vasculaires pour des patients ayant un taux de LDL trop élevé quoi qu'ils fissent effort en matière de régime alimentaire (voir les recommandations de la Fondation suisse de Cardiologie).


Alors qu'il n'existe aucune politique publique de prévention des maladies cardio-cardiovasculaires en Suisse (nos politiciens étant plus occupés à préserver les intérêts corporatistes privés qu'à se soucier de la santé de leurs électeurs, lire l'article Assurance-maladie: l'emballement sans fin), comment des journalistes prétendument spécialisés dans le domaine médical osent-ils battre en brèche la prescription de statines parce que soi-disant 5 à 10% des usagers se plaindraient d'effets secondaires ? Ces journalistes préféreraient sans doute le retrait de tout médicament de prévention primaire (i.e. avant que la maladie ne se déclare) au motif que les "méchantes" pharmas ne cherchent qu'à s'enrichir, pour ne finalement traiter que les patients survivants en prévention secondaire (où, soit dit en passant, l'effet thérapeutique des statines s'avère subitement indiscutable), soit toutes ces victimes de crise cardiaque, d'AVC, de paralysies, j'en passe et des pires. Mais, mesdames et messieurs les journalistes de "36,9", ces patients-là, lorsqu'ils ne trépassent pas, sont tout aussi profitables (et même davantage) auprès des médecins/cardiologues/cliniques, puisqu'en l'absence de prévention primaire, c'est la prolifération des maladies cardio-vasculaires que vous favorisez subrepticement. Et faire mine de ne pas en parler est pour le moins très suspect, irresponsable, voire une grave faute professionnelle pour une télévision de service public qui se doit de rester indépendante, objective et impartiale, à plus forte raison lorsque la RTS décide de mettre son reportage onze ans après sa première diffusion sur les réseaux sociaux et de l'ouvrir à tout commentaire sans aucun modérateur.

Du business des statines à la privation de statines, le moins nocif des deux n'est certainement pas la conclusion à laquelle parvint ce reportage de 2012, surtout lorsque ledit reportage devient soudainement depuis le 2 août 2023 la cible d'un matraquage phénoménal où sont publiés massivement des commentaires et "like" unanimement favorables et donc potentiellement soudoyés. Mais qui osera s'en soucier dans ce monde de chaos informationnel auquel se prête complaisamment la RTS et que la corruption n'a certes pas épargné ?

1 commentaire:

  1. Anonyme8/2/24

    Au 19h30 du 7 février 2024, soit quinze jours après ce post, la RTS met à la une de son journal la sortie d'une étude récente semblant établir que les statines provoqueraient un risque d'hémorragie cérébrale. Bigre, on est pétri d'effroi. Sauf qu'au fur et mesure que le sujet est développé, on s'aperçoit que ce risque d'effet secondaire est qualifié de rare, soit une personne sur 3'300 ou 0,03% des patients traités. Bref, la magnifique baudruche annoncée à la une (qui pour une fois ne parle pas des loups qui sévissent dans le pays, entendez les canidés bien évidement), avec à l'appui le témoignage apeurée et crédule d'une octogénaire (à la limite de l'indécence), s'est complétement dégonflée pour finir par reconnaître que les statines n'ont jamais autant sauvé de vies. Alors, à part faire trembler la Suisse romande, c'est quoi le problème chère RTS. Aura t-on droit désormais à un reportage régulier sur tous les effets secondaires rares recensés en pharmacologie ou la RTS s'est-elle sentie piquée au vif, comme le syndrome bien connu des sables mouvants où plus on s'agite, plus on s'enfonce ?
    Olivier

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