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17 juin 2022

L'hystérectomie pour garder son travail

Quel est ce mal mystérieux qui frappe les coupeuses de canne à sucre dans la région de Beed, en Inde ? Pourquoi un tiers d'entre elles subissent-elles, parfois très jeunes, une ablation de l’utérus qui provoque une ménopause précoce ? Début octobre dans le Maharashtra, État du centre-ouest de l'Inde, le recrutement bat son plein pour la saison de la coupe de la canne à sucre qui va commencer dans le sud du pays, à 500 kilomètres de là. Elle va durer six mois, et employer plus d'un million de travailleurs. Les agents recruteurs, les "mukadam", sont payés par les planteurs pour les amener par familles entières vers une région appelée la "ceinture du sucre", dans l'État voisin du Karnataka. Sur place, les mukadam sont chargés de veiller à leur productivité.

La moitié des travailleurs sont des ouvrières qui peinent dans les champs depuis parfois l'âge de 10 ans. Les conditions de travail sont extrêmement dures : lever à 3 heures du matin pour enchaîner dix heures de travail sous un soleil de plomb, avec un seul jour de congé par mois. Mais, ici, une femme sur trois n'a plus d'utérus. Souvent dès leurs 20 ans, elles subissent une hystérectomie totale (avec ablation des ovaires), très rare chez d'aussi jeunes femmes. A 30 ans, elles en paraissent 50, visage et corps vieillis prématurément. L'opération provoque une ménopause très précoce, stoppant la production d'hormones et les rendant stériles. Pour le mukadam, Jyotiram Andhale, «les ouvrières qui se plaignent de maux de ventre et n'enlèvent pas leur utérus sont un problème, car elles sont moins productives.»

Reka a 20 ans et pense déjà à se faire enlever l'utérus. Elle se plaint de douleurs récurrentes et violentes. Elle est continuellement épuisée et son ventre lui fait très mal. De nombreuses coupeuses de canne à sucre sont dans le même cas, confirme le mukadam. Il assume leur conseiller de se faire enlever l'utérus, notamment pour éviter un cancer (un risque faible, mais brandi sans scrupule par les médecins de la région pour justifier complaisamment l'intervention chirurgicale). «Ensuite, elles pourront reprendre le travail aux champs. Le coût de l'opération est à leur charge. Durant l'hospitalisation, elles ne touchent pas leur salaire», précise le mukadam.

Des milliers de coupeuses de canne à sucre se laissent ainsi convaincre de subir une hystérectomie. Un sacrifice de leur corps pour affronter le travail de forçat dans les champs qui s'avérera bien inutile, car leur calvaire ne fera qu'empirer avec la ménopause prématurée. «Notre recruteur nous crie dessus si on ne travaille pas assez», confient de leur côté les femmes aux journalistes, profitant de l'absence des hommes partis livrer la coupe du jour à l'usine. «Il nous frappe aussi très fort, même quand on se sent mal. Le mukadam hurle à nos maris qu'on ne travaille pas assez dur, et qu'il faut rembourser nos salaires.» Dans le reste de l'Inde comme ailleurs dans le monde, l'hystérectomie concerne pourtant à peine 3% des femmes, et n'est généralement pratiquée que sur des patientes de plus de 50 ans.

07 mai 2022

Catastrophes climatiques: le siècle de tous les dangers

Encore des articles sur les catastrophes liées au réchauffement climatique me direz-vous? Dans ce cas précis, les extraits de reportage ci-dessous révèlent le fléau "biblique" qui attend ceux qui pensent que la disparition de la biodiversité est sans importance. Comme ces agriculteurs australiens qui, un beau matin, se sont réveillés au milieu d'une invasion de souris. Albert Einstein prétendait qu'il y avait selon lui deux notions infinies: l'Univers et la Bêtise humaine. Puis, se ravisant, il crut bon d'ajouter: «Quoique pour l'Univers, je n'ai pas de certitude absolue.» Lorsqu'on sait que les dinosaures ont régné deux cents millions d'années sur Terre et qu'homo-sapiens n'en est pour l'instant qu'à deux cents mille ans, soit à peine un millième de ce temps astronomique, on devrait avoir l'humilité de ne pas l'oublier, battre notre coulpe et reconnaître, en dépit de notre prétendue intelligence, que personne n'est capable de prédire ce que sera l'Humanité, ne serait-ce que dans les cent ans à venir. C'est dire toute l'étendue de notre impuissance collective et l'imprévisibilité complète du monde auquel nous appartenons.


Le journaliste Ed Ram a été chargé par la BBC d'un reportage sur la terrible sécheresse qui sévit  depuis deux ans au Kenya. Il se souvient de son arrivée à Garissa en décembre 2021. La localité se trouve à 400 kilomètres au nord-est de Nairobi, loin des circuits touristiques. "Tu descends de la voiture, et là, il y a cette chaleur hallucinante. Et puis, d'un coup, cette odeur insoutenable. J'ai vu cette scène, et j'ai été choqué. J'ai su qu'il fallait montrer ça."On n'avait jamais vu des girafes mourir à cause de la sécheresse", souligne le Dr Ali Abdullahi. Il a fallu cette crise climatique pour que soit pris au sérieux le danger d'extinction qui menace ces animaux. "C'est toute la région qui est en train de mourir", alerte-t-il. "C'est sans doute la pire sécheresse que nous ayons jamais vécue ici. Elle a tué des centaines et des centaines de têtes de bétail." Autre image de désolation dans cet extrait: Le sol des villages alentour jonché de cadavres desséchés de vaches. "Un désastre pour les éleveurs du coin".


L'Inde et le Pakistan sont transformés en fournaises. Les températures y approchent en effet les 50 degrés au lieu des 37 degrés attendus normalement en avril. Les travailleurs ne savent plus comment composer avec la chaleur. "Il fait tellement chaud, c'est intenable. Normalement, en mars et en avril, il fait doux, c'est le printemps. Ce sont les mois de mai, juin et juillet qui sont très chauds", déplore Deepak Kumar, manutentionnaire. Pour les Nations unies, la Terre est engagée dans une spirale d'autodestruction. "Le monde est frappé par un nombre croissant de catastrophes et elles sont causées par le réchauffement climatique", affirme Mami Mizutori, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies. Depuis 20 ans, 350 à 500 catastrophes sont dénombrées chaque année pour un coût estimé à 170 milliards par an. "Nous sommes, quelque part, très, très en retard en matière d'adaptation, parce que nous nous berçons encore de l'illusion qu'on va parvenir à atteindre les objectifs de l'accord de Paris, alors que ce ne sera pas le cas", alerte François Gemenne, spécialiste du climat du GIEC (Groupe d'experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat).