À force de nous rabâcher sans cesse que la Chine est l'ennemi de notre système occidental et qu'elle sera le premier adversaire qui défiera les États-Unis si elle devait s'en prendre militairement à Taïwan, ne pourrait-on pas cesser un instant de diaboliser l'Empire du Milieu et de comparer objectivement les avantages et les inconvénients de ce soi-disant communisme à la chinoise par rapport à nos soi-disantes démocraties, tout en sachant que derrière ces deux visions politiques du monde se cachent des réalités bien plus complexes et paradoxales qu'il n'y paraît (lire l'article: Duel entre faucons et dragons). Comme tous les anciens pays communistes (à l'exception de la Corée du Nord), la Chine s'est engagée à se développer sur base des règles de l'économie de marché, de la libre entreprise et de la concurrence, sans toutefois que son capitalisme dit d'État n'influe en quoi que ce soit sur la règle inamovible du parti unique, soit le parti communiste chinois (PCC), qui est la seule autorité politique à exercer la puissance publique. Contrairement à nos démocraties, il n'y a donc en Chine aucune possibilité d'exprimer des idées politiques qui soient contraires, ou même différentes, de la ligne adoptée par le PCC et son chef actuel Xi Jinping. En résumé, le citoyen chinois n'est pas autorisé à penser sa vie et son bonheur autrement que dans l'idéologie poursuivie par le PCC, si tant est que les politiciens soient les mieux à même de se soucier du bonheur de leurs citoyens/électeurs. S'il ne s'en satisfait pas, il lui reste le choix d'émigrer et tenter sa chance ailleurs, ce qui n'est pas rien en soi si l'on se souvient de la politique d'émigration interdite appliquée par les soviétiques au temps de l'URSS et son redoutable rideau de fer.
Si l'on en vient aux démocraties occidentales, chaque citoyen peut exercer le droit de choisir un parti politique plutôt qu'un autre selon ses convictions propres, mais surtout selon son appartenance à une classe sociale qui détermine pour une bonne part son éducation, son héritage économique, culturel, voire religieux. Mais, dans la pratique, l'exercice de la démocratie représentative qui est la plus répandue (exception faite de la Suisse dont le modèle est le plus abouti en matière de droits politiques directs) est soumis toujours plus à de nombreux aléas qui tiennent à la désinformation croissante et généralisée de l'électorat, à l'activisme politique des lobbies économiques, aux financements occultes des partis et aux innombrables conflits d'intérêts qui surgissent entre décideurs politiques et leurs entourages professionnels ou privés. Montesquieu était parvenu à défendre le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Pour parachever le modèle, il aurait fallu également penser à séparer les pouvoirs politiques de l'économie et des puissances de l'argent pour mener efficacement des politiques publiques qui servent le bien commun d'un pays, d'un continent, voire du genre humain et de son environnement. Avec nos démocraties, on est évidemment très loin du compte. Et ce n'est pas l'exemple calamiteux de la présidence américaine actuelle qui me contredira. Si l'expérience passée du communisme est demeurée une utopie, la démocratie représentative à la mode américaine est au mieux une ploutocratie qui, ces derniers temps, vire à l'autoritarisme, à l'oligarchie, voire au fascisme. Mais, trêve de discours théoriques! Essayons de comparer de manière pragmatique à quels résultats chacune de ces deux idéologies permet d'aboutir sur des problèmes actuels et brûlants au sein de leur population respective :

Infox et chaos au profit des Géants du web

Cybercriminalité
En Chine, tout internaute doit s'identifier avec sa véritable identité. Il n'est donc pas possible de surfer en conservant son anonymat comme c'est le cas aux USA ou en Europe. Cette politique du PCC est délibérée et vise à lutter contre toute forme de criminalité, y compris à caractère politique, mais surtout dissuade toute publication de messages haineux, de rumeurs, de calomnies, d'escroquerie aux sentiments, de l'existence de faux comptes et de fermes à trolls qui diffusent toute sorte de fake news, propagandes et ingérences étrangères. Bref, tout ce que les GAFAM et leurs gouvernements sont incapables de réguler correctement en Occident. De même, les influenceurs qui réunissent un certain nombre d'abonnés doivent apparaître sous leur véritable d'identité. L'absence d'anonymat sur internet est en lien avec le système de surveillance et de crédit social qui attribuent une évaluation à chaque citoyen en fonction de son comportement, tant sur le net que dans la société. Pour le PCC, ce système est destiné à motiver les citoyens à se conformer aux lois et à mieux les responsabiliser.
Stupéfiants
La Chine est un des pays les plus sévères au monde en matière de trafic de stupéfiants. Elle inflige des sanctions qui, dans les cas les plus graves, peuvent aller jusqu'à la peine de mort (lire l'article: Peine capitale, l'apanage des dictatures). Les consommateurs sont également lourdement sanctionnés afin d'éradiquer la demande en rendant l'usage de substances illicites extrêmement périlleux. Le PCC juge le trafic de stupéfiants comme une menace sérieuse sur la sécurité et la cohésion sociale de la société chinoise. Les accusations faites par le locataire de la Maison Blanche au sujet de la complicité de la Chine dans le cas du fentanyl qui se répand aux USA à travers les cartels mexicains ne sont que partiellement justifiées dans la mesure où la Chine s'occupe prioritairement de sa sécurité intérieure, comme n'importe quel pays confronté à ce fléau le ferait. Elle n'a pas vocation à régler les problèmes de santé publique des autres nations, même s'il est démontré que les substrats du fentanyl proviennent effectivement de l'industrie chimique chinoise.
Cryptomonnaies
Depuis septembre 2021, la Banque Populaire de Chine a déclaré que toutes les activités impliquant des cryptomonnaies sont désormais illégales. Elle a banni les plateformes d'échange de cryptomonnaies de son territoire. En outre, les usines de blockchain du Bitcoin qui garantissent la stabilité d'un tel réseau sont également réprimées pour leur fonctionnement extrêmement énergivore (approvisionnement électrique et refroidissement des installations) que la Chine juge incompatibles avec ses préoccupations environnementales. En raison du rôle central que joue de plus en plus les cryptomonnaies dans le blanchiment d'argent et celui du financement des organisations criminelles, les autorités chinoises ont procédé ces dernières années à des arrestations massives, car le PCC perçoit les cryptomonnaies comme une menace pour son ordre économique et social. Mais, il est vrai que les opérations bancaires souterraines (underground banking) persistent en Chine notamment en raison du blanchiment basé sur le commerce ou TBML (Trade-Based Money Laundering) qui consiste à acheter massivement des articles électroniques ou des vêtements (délibérément surfacturés pour blanchir), puis à les exporter vers les pays où sont établies ces organisations qui, sans être inquiétées, les revendent en toute impunité. Le comble de l'immoralité est atteint lorsqu'on apprend que de nombreuses ONG suspectent qu'il existe des liens indirects, mais significatifs, entre le TBML et la fast fashion ou vêtements-poubelle qui, rappelons-le, finissent en montagne de déchets dans les bidonvilles d'Accra ou dans le désert d'Atacama, auquel s'ajoute le grave problème des PFAS ou polluants éternels que ces vêtements propagent dans l'eau et le sol, contaminant notre chaîne alimentaire et menaçant toujours plus la santé humaine. Pour faire échec à cette cybercriminalité, le PCC veut à terme imposer le Yuan numérique (e-CNY) afin d'obtenir une visibilité et un contrôle total sur les transactions financières. De l'autre côté du Pacifique, cette une toute autre politique diamétralement opposée que la présidence américaine veut imposer au reste du monde, soit faire des États-Unis le pays le plus libéral et favorable au Bitcoin et encourager le développement de l'industrie du blockchain (mining). D'ailleurs, tirant profit sans vergogne de ses fonctions, le locataire de la Maison Blanche a créé pour son clan un crypto actif qu'il a baptisé Trump Coin et dont le cours est susceptible de varier directement selon ses propres déclarations et décisions politiques. Certains spécialistes de la question racontent même qu'il se serait enrichi auprès de certains gouvernements par cryptomonnaies en échange de tarifs douaniers plus avantageux (lire l'article >> Infrarouge (RTS): Bienvenue dans "l'air" des lèche-culs!). Au niveau mondial, le total des escroqueries réalisées au moyen de cryptomonnaies de type "pig butchering" (appât du gain et piège aux sentiments) aurait causé un préjudice de 2,5 milliards d'euros en 2024, dont notamment six milles victimes suisses en l'espace de trois ans.
Prostitution
Depuis l'arrivée au pouvoir du PCC en 1949, la prostitution est considérée comme un fléau social et une activité immorale. Toute publicité en matière de commerce de charme est donc interdite sur les médias, internet compris, et sévèrement réprimée. Les internautes ont également la possibilité de dénoncer toute activité ou publicité qui serait considérée comme de la prostitution.
Pornographie
La production, la distribution, la vente et même la possession de matériel pornographique sont strictement illégales en Chine. La pornographie est considérée comme une "pollution spirituelle" en totale contradiction avec les valeurs du PCC. De plus, le gouvernement a mis en place un grand pare-feu numérique pour bloquer l'accès aux sites étrangers tels que Pornhub, Youporn, etc. En cas de violation de la loi, les tribunaux peuvent condamner les auteurs à de lourdes sanctions tant financières que privatives de liberté. Comme pour la prostitution, il existe un système de délation qui encourage les citoyens à signaler les contenus pornographiques ou illégaux en échange de récompenses financières. Pendant ce temps, nos société dites libérales sont incapables de lutter contre la multiplication des sites pornographiques et leur accessibilité par des mineurs qui sont exposés à autant d'addictions et troubles du comportement pesant lourdement sur leur santé mentale et leur parcours scolaire.
Corruption
Depuis 2012, Xi Jinping a initié un vaste programme de lutte contre la corruption des agents publics, particulièrement à l'intérieur du PCC. Depuis l'Occident, ce programme a souvent été interprété comme un moyen de procéder à des purges politiques. En l'espèce, on se gardera bien de juger aussi abusivement la politique anti-corruption d'un pays dont la population est supérieure à l'ensemble des démocraties occidentales et dans la mesure où ces mêmes démocraties sont loin d'être, dans ce domaine, des parangons de vertu (financements des partis, lobbyisme, pantouflages, conflit d'intérêts, paradis fiscaux, sociétés-écran, etc.)
Réduction du CO2
Contrairement à la présidence KMA, le PCC, lui, est parfaitement conscient du défi écologique que représente une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre. Dans l'accord de Paris, la Chine s'est notamment engagée à atteindre la neutralité carbone avant 2060, soit dix ans plus tard que l'objectif fixé par l'UE. Sous la direction de Xi Jinping, la protection de l'environnement est devenue un élément central de la gouvernance et a été inscrite dans la Constitution du Parti. Le concept de "civilisation écologique" met l'accent sur la nécessité de concilier le développement économique avec la préservation de l'environnement, en considérant que la nature fait partie intégrante de la construction d'un pays socialiste moderne. Cette doctrine est utilisée pour justifier des mesures de lutte contre la pollution de l'air, de l'eau et des sols, qui ont un impact direct sur la population chinoise. Si la Chine est à la pointe en matière de technologies vertes (photovoltaïques, batteries, éoliens), elle reste tributaire d'une croissance économique qui passe encore par l'exploitation de nouvelles mines de charbon. Rappelons que de leur côté les USA se sont à nouveau retiré de l'accord de Paris et que le mantra de la présidence KMA est plus que jamais "Drill, baby, drill !"
Contrairement à la présidence KMA, le PCC, lui, est parfaitement conscient du défi écologique que représente une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre. Dans l'accord de Paris, la Chine s'est notamment engagée à atteindre la neutralité carbone avant 2060, soit dix ans plus tard que l'objectif fixé par l'UE. Sous la direction de Xi Jinping, la protection de l'environnement est devenue un élément central de la gouvernance et a été inscrite dans la Constitution du Parti. Le concept de "civilisation écologique" met l'accent sur la nécessité de concilier le développement économique avec la préservation de l'environnement, en considérant que la nature fait partie intégrante de la construction d'un pays socialiste moderne. Cette doctrine est utilisée pour justifier des mesures de lutte contre la pollution de l'air, de l'eau et des sols, qui ont un impact direct sur la population chinoise. Si la Chine est à la pointe en matière de technologies vertes (photovoltaïques, batteries, éoliens), elle reste tributaire d'une croissance économique qui passe encore par l'exploitation de nouvelles mines de charbon. Rappelons que de leur côté les USA se sont à nouveau retiré de l'accord de Paris et que le mantra de la présidence KMA est plus que jamais "Drill, baby, drill !"
Inégalités des revenus
D'après le coefficient de Gini (indice mesurant les inégalités de revenus dans chaque pays), il est surprenant de constater que la Chine (0,47) et les USA (0,48) sont côte à côte, avec une légère avance pour la Chine, tout en rappelant que si le capitalisme américain existe depuis 1776, le capitalisme d'État chinois est apparu seulement deux cents ans plus tard grâce aux réformes de Deng Xiaoping. Pour comparaison, les États membres de l'UE sont positionnés en moyenne entre 0,29 et 0,33, soit une répartition des revenus jugée sensiblement plus équitable en Europe (zéro étant le meilleur score et 1 le pire).
On ne saurait parachever objectivement cette petite comparaison sans évoquer les mauvais traitements que le PCC réserve à la population ouïghoures en organisant dans la région du Xinjiang, propice à la culture du coton, des camps de rééducation et de travail forcé qui alimenteraient à grande échelle et à bas prix les circuits commerciaux de la fast fashion occidentale. Comme le montre le reportage de France 24 ci-dessous, des enquêtes judiciaires ont été ouvertes dans plusieurs pays, notamment en France, contre de grands groupes de textile pour recels de travail forcé et de crime contre l'humanité. En dépit des dénégations officielles du PCC, le travail forcé est devenu un instrument coercitif du gouvernement chinois pour conserver une main d'œuvre obéissante et bon marché sous couvert de lutte contre l'extrémisme religieux et le séparatisme que les autorités imputent à la culture musulmane ouïghoure.
Vu d'Europe, ce comparatif entre nos deux titans est plutôt édifiant. Elle montre de manière factuelle et sans dogmatisme que le modèle américain d'autrefois n'en est plus un et qu'il devient une cause de désordre et d'instabilité dans les échanges économiques, dans son incapacité à faire régner la paix sociale, à promouvoir la paix entre les nations et à préserver l'environnement et la santé humaine dans toutes leurs dimensions spatiales et temporelles. À ce rythme là, si les démocraties continuent de donner les clés du pouvoir à des populistes sans foi, ni loi, nous n'aurons même pas besoin d'une troisième guerre mondiale pour amener notre civilisation à se renier, puis en perte d'équilibre du haut du précipice des infamies, à se suicider. Car, comme le prône la pensée chinoise tirée de l'Art de la guerre de Sun Zi, la meilleure façon de vaincre un ennemi est de faire en sorte qu'il n'ait même pas envie de combattre ou qu'il soit incapable de le faire, ce qui n'est guère loin de l'état d'esprit qui règne actuellement en Occident. Certes, il serait simpliste de penser qu'un régime dit totalitaire à la chinoise résoudrait par miracle tous nos maux, bien que le président KMA en rêve pour de mauvaises raisons, lui qui n'a de cesse de complimenter les dictateurs de tout poil. Et pourtant, la question essentielle qui se pose est de savoir quelle part de notre liberté sommes-nous prêts à céder à la puissance publique du Léviathan développée par le philosophe Thomas Hobbes (1588-1679) pour pouvoir décemment vivre en société, non pas les uns contre les autres parce que nous aurions tous gardés farouchement notre liberté et accessoirement nos armes à feu à la ceinture et à domicile, mais les uns avec les autres parce que nous serions conscients que seul l'État peut assurer notre sécurité et donc l'épanouissement d'une liberté pleinement responsable qui est la seule qui vaille et puisse nous prémunir des pires turpitudes ? À la croisée des chemins entre un totalitarisme chinois d'inspiration confucéenne et une proto-oligarchie qui se revendique à la fois mercantiliste et écocidaire, l'UE grâce à sa richesse et diversité culturelle conserve plus que jamais toute sa raison d'être. Si elle ne renie pas son héritage culturel et ses valeurs humaniste, alors elle pourra espérer devenir une puissante Confédération d'États démocratiques, espérons-le dans un laps un peu plus court que sa petite sœur La Suisse (CH) qui mit cinq siècles à devenir un État fédéral en 1848 !

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à laisser un commentaire, de préférence non anonyme ! Merci de votre compréhension !