08 mars 2024

La Boétie ou comment dézinguer un régime comme celui de Poutine en cent jours et sans violence (ou presque) ?

 

Aussi loin qu'on pût se souvenir, la désobéissance civile a toujours existé. Au cours de l'Antiquité, Aristophane, cinq siècles avant notre ère, l'avait évoquée lorsque les femmes de la cité décidèrent de refuser d'accomplir leur devoir conjugal tant que leur homme ne mettrait pas fin à la guerre. Mais, c'est surtout au seizième siècle qu'un philosophe théorise pour la première foi le refus d'obéir à un tyran. Dans son discours "De la servitude volontaire", Étienne de la Boétie (1530-1563) affirme que le pouvoir d'un État repose entièrement sur la coopération de sa population. Et que si cette population considère ce pouvoir comme abusif et tyrannique, il lui suffit de ne plus obéir pour que, immanquablement, cet État tyrannique devienne impuissant et n'ait pas d'autre solution que de renoncer à gouverner et céder le pouvoir politique à d'autres représentants. Encore faut-il cependant qu'il existe une certaine majorité pour contester le pouvoir en place, mais surtout des premiers militants courageux auxquels les contestataire puissent s'identifier. C'est l'écueil principal qui fait souvent échec à la réalisation de cette belle théorie. Il n'empêche que certains leaders l'ont déjà expérimentée avec un certain succès, tels Ghandi pour obtenir l'indépendance de l'Inde face aux Anglais, Martin Luther King pour la défense des droits civiques des Afro-américains et Nelson Mandela pour obtenir l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud. Même lors des procès de Nuremberg qui condamnèrent en 1946 les exactions commises contre les juifs durant la Seconde Guerre mondiale, les juges ont fait valoir qu'il existait non seulement un droit personnel de désobéir à un ordre inique, mais que ce droit était aussi un devoir en présence de crimes de guerre ou contre l'humanité qui, lorsqu'il n'est pas accompli, doit entraîner une sanction appropriée. Hélas pour le peuple russe et les démocraties, il semble que Poutine ait compris depuis fort longtemps l'importance d'éliminer systématiquement tout leader politique d'opposition à son régime (le dernier en date étant l'avocat Alexeï Navalny), d'où la très grande difficulté des Russes contestataires d'entrer dans une forme de désobéissance civile qui soit réellement efficace pour le menacer sérieusement. Pourtant, Evgueni Prigogine avec sa tentative avortée de marcher sur Moscou en juin 2023, avait révélé une faille béante dans la carapace du régime poutinien : La désobéissance, non pas civile, mais militaire. Car, une simple mutinerie suffisamment déterminée (ce qui fit défaut à Prigogine et lui coûta la vie) pousserait indéniablement le dictateur vers la sortie. Mais, y a t-il encore d'héroïques "Libérateurs" dans cette armée russe pour sauver leur nation d'un désastre annoncé et réussir ce que le mercenaire et défunt Prigogine a lamentablement raté ?

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