La théodicée est un raisonnement théologico-philosophique qui tente de résoudre l'apparente contradiction qu'il y a entre un Dieu prétendument omnipotent et bienveillant et l'existence du Mal. C'est d'abord un sujet qui suscite de nombreuses controverses puisqu'il a été régulièrement l'argument principal des non-croyants, athées et agnostiques pour réfuter l'existence de Dieu (encore faut-il s'entendre sur une définition universelle ?) et rejeter ainsi tout le corpus biblique qui lui est associé, ce qui n'est pas le moindre tort que cette contradiction engendre en persistant comme elle le fait, faute de trouver une argumentation qui soit suffisamment charpentée et convaincante pour obtenir un engagement spirituel des nombreux nihilistes et autres mécréants et tenter de leur donner une foi chrétienne en Dieu, Le Père, et son Fils Jésus-Christ. "L'athée-odyssée" s'est cristallisée principalement autour du philosophe allemand Gottfried W. Leibniz (1646-1716) au début du XVIIIème siècle avec la publication de son ouvrage Essais de Théodicée qui, en résumé, arrive à la conclusion un peu plaquée et conformiste consistant à affirmer que malgré le mal ou (même) grâce à lui, l'Histoire a un sens, une direction et que sa finalité aboutira forcément au Bien. Quand ? On n'en sait rien. Leibniz se contente de l'affirmer. C'est tout. Bref, Leibniz essaie tant bien que mal (c'est le cas de le dire) de se dépatouiller du problème en remplaçant un postulat, l'existence de Dieu, par un autre, son omnipotence bienveillante à la fin des fins. Et tant pis pour tous les martyres et les victimes innocentes nécessaires à cet accomplissement ultime. D'ailleurs, Voltaire ne s'était pas privé de railler cette vision du monde bien trop étriquée à son goût dans son conte sur Candide. Sans même connaître les scandales sexuelles à venir, on comprend que depuis des siècles le doute s'est immiscé dans la tête des paroissiens et que la société civile s'est détournée de l'Église, faisant progresser l'athéisme en même temps que la foi chrétienne sortait des cœurs et des esprits. Jean Meslier, contemporain de Leibniz, prêtre et précurseur de l'athéisme, l'avait prédit dans ses écrits posthumes : «Celui qui le premier a dit aux nations que quand on avait fait du tort aux hommes, il fallait en demander pardon à Dieu, l'apaiser par des présents, lui offrir des sacrifices, a visiblement détruit les vrais principes de la morale. Car, d'après ces idées, les hommes s'imaginent que l'on peut obtenir du roi du ciel, comme des rois de la Terre, la permission d'être injuste et méchant, ou du moins le pardon du mal que l'on a pu faire.» Comme si la Morale et Dieu étaient corruptibles comme n'importe quel mortel, auquel cas c'est l'hommage perfide et cynique que le vice rend à la vertu. Pourtant, Leibniz avait un handicap sur nos contemporains: Il lui manquait une certaine hauteur de vue pour se rendre compte que toute la difficulté de sa démonstration résidait dans sa façon même de (re)définir les différents concepts employés et leur acception la plus consensuelle possible au sens anthropologique du terme. À propos de Dieu, la réalité, comme notre lucidité, doivent nous amener à considérer que son omnipotence et sa bienveillance ne résident que dans l'œuvre de La Création au sens cosmologique et quantique du terme. Car, il y a belle lurette que l'on sait que ce Dieu créateur n'intervient aucunement dans la marche du monde dans lequel nous vivons et que les hommes sont seuls responsables du Bien comme du Mal qu'ils choisissent de faire ou pas à leurs semblables. Et pour cause, Dieu leur a donné cette liberté, le libre arbitre, depuis qu'Adam et Ève ont choisi de croquer dans le fruit de l'arbre de la connaissance, du Bien et du Mal, alors que leur Créateur les en avait dissuadés. Dieu n'est donc nullement responsable de leur péché originel, pas plus qu'il n'a à répondre des massacres, guerres et génocides que les humains ont décidé de s'infliger entre eux. Une fois son omnipotence circonscrite, il devient dès lors plus facile de s'intéresser aux souffrances terrestres dans leur globalité et d'identifier leurs origines qui, dans l'absolu, sont au nombre de trois :
1) L'injustice de la naissance qui, en dépit du fait que l'on tente tant bien que mal de considérer les humains de plus en plus libres et égaux en droit dans certains pays dits démocratiques, cette inégalité naturelle n'est évidement jamais résorbée vis-à-vis de notre hérédité, de nos parents, du milieu social, culturel et économique dans lequel nous grandissons et de notre héritage. Cette apparente injustice initiale est partiellement traitée dans l'Évangile de Jean, lorsque les disciples du Christ rencontrent un aveugle de naissance et s'interrogent : «Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle? » Et, Jésus de leur répondre : «Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché, mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui.» (Jn 9:2-5) Il faut dire qu'à cette époque, il était courant de croire que la maladie ou le handicap était une conséquence directe du péché, ce qui, à vrai dire, n'était pas dénué de bon sens populaire si l'on se réfère au mythe d'Œdipe (lire l'article: Œdipe ou plaidoyer pour une réhabilitation tardive, mais incontestable) qui fit le choix inconscient, mais funeste, de commettre l'inceste en copulant avec sa mère, engendrant de la sorte une malédiction sur toute sa descendance. Mais, si les handicaps ou maladies génétiques peuvent être le résultat de péchés, dussions-nous parfois expier les fautes de nos aïeux, elles ne le sont pas toujours dans l'absolu et leurs vraies causes peuvent demeurées inexplicables, ou encore résulter de l'ignorance de leurs parents comme ce fut le cas d'Œdipe. En répondant de la sorte, Jésus rappelle que cette injustice initiale n'est pas toujours la punition d'un péché intentionnel qui mériterait une rétribution stigmatisante. Au contraire et contre toute attente, l'aveugle retrouve miraculeusement la vue, à tout le moins spirituelle, par cette compassion que lui témoigne Le Christ, ce qui démontre que cette souffrance peut être l'occasion pour Dieu de manifester sa gloire et sa puissance, comme par exemple dans le cas de ces aveugles qui, à cause ou plutôt grâce à leur handicap, ont pu devenir de célèbres chanteurs tels Ray Charles, Steve Wonder ou encore Gilbert Montagné, notamment en leur permettant de sublimer leur sens de l'ouïe.

