26 décembre 2025

Démocratie française: À la recherche d'une majorité perdue...


Nous Helvètes, voyons nos voisins d'Outre-Jura avec une certaine fascination! Non pas seulement pour leurs paysages et littoraux magnifiques, ni pour leur histoire monarchique et impérialiste, voire colonialiste, impressionnante, ni pour leur gastronomie inégalée et leurs artistes réputés, j'en passe et des meilleurs. Non, ce que les Suisses romands observent avec tendresse c'est la façon un peu laborieuse, voire calamiteuse, de régler la chose publique comme par exemple et pas tout à fait par hasard celle qui concerne la question des retraites. Voilà bientôt près de trois ans que la classe politique française s'écharpe sur ce dossier épineux qui aurait dû faire l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale, mais qui par verticalité et loyauté envers le Président de la République a été adopté le 16 mars 2023 au forceps par le gouvernement de Mme Élisabeth Borne, c'est-à-dire sans avoir été voté par une majorité de députés de l'Assemblée nationale. Outre le fait que cette loi n'est toujours pas entrée en vigueur (et que probablement elle n'est le sera pas en l'état et avant un certain temps au vu des polémiques légitimes générées par sa procédure d'adoption), elle est le parfait contre-exemple de ce qu'une démocratie digne de ce nom se doit de ne pas faire, sinon à considérer que les députés élus démocratiquement par le souverain doivent être évincés de leur droits constitutionnels réputés inaliénables de faire les lois, n'en déplaise au gouvernement et au président de ladite république. De mon point de vue personnel et sans vouloir m'ingérer aucunement dans les affaires politiques de la France, ce moment fut un égarement démocratique regrettable. Et, si l'Assemblée nationale, comme on pouvait s'y attendre, avait formellement refusé la réforme, et bien il fallut pour le gouvernement de Mme Borne, comme toute démocratie qui se respecte, remettre intégralement l'ouvrage sur le métier jusqu'à obtenir le compromis, ce graal consensuel indispensable, qui permette à la démocratie de fonctionner, soit l'adoption des textes de lois à la majorité des élus. C'est, je crois, ce qu'attendent les électeurs de la part de leurs institutions démocratiques et de ceux qui sont censés les représenter. Tout le reste n'est que perte de temps, billevesées et galimatias abscons qui en rien ne font avancer les intérêts nationaux d'un pays comme la France. Pour comparaison et en toute immodestie, notre petite Helvétie, loin d'être épargnée par ce type de conflit social, s'est prononcée en votation populaire à trois reprises ces dernières années sur des propositions de réforme du droit des retraites:

  1. En 2022, pour porter l'âge de retraite des femmes de 64 à 65 ans (comme les hommes dont l'espérance de vie est toujours inférieure à celle des femmes) approuvé à 50,6% par le peuple;
  2. En mars 2024, pour porter l'âge de la retraite à 66 ans, loi rejetée par le peuple et les cantons;
  3. En septembre 2024, pour une diminution des rentes également rejetée par le peuple.


L'immense avantage de la votation populaire ou de la représentation électorale respectant le vote majoritaire est qu'une fois le scrutin dépouillé, la messe est dite. Et, chacun peut ainsi vaquer à de nouvelles occupations sans qu'il ait lieu de craindre qu'un mouvement politique vienne remettre en question la décision prise par le souverain ou les députés. C'est ce que parvient à expliquer David Djaïz, essayiste et inspecteur des finances, dans ce débat télévisé du 14 décembre 2025, et qui perçoit poindre dans la méthode du nouveau premier ministre Sébastien Lecornu un début de culture politique du consensus qui a permis de faire adopter le budget de la Sécurité sociale. Pourvu qu'il dise vrai. Car, les Français qui semblent actuellement donner leur voix majoritairement à Jordan Bardella (président d'un parti qui fut un ancien débiteur du Kremlin) ne doivent pas oublier que la France en tant que nation européenne dotée est dans une position qui l'oblige, surtout en s'interdisant de confier les clés du pouvoir à n'importe qui au risque de s'aventurer dans des relations périlleuses tant pour le pays que pour une Europe souveraine et puissante. Car, si la démocratie, contrairement aux dictatures, permet le pluralisme politique et donc la possibilité aux courants extrémistes de droite comme de gauche de s'exprimer (la quasi-unanimité étant généralement souvent l'apanage des dictatures), cela ne signifiera jamais qu'il faille sacrifier ou mettre en péril la règle sacro-sainte de la majorité qui est la seule garante d'une perpétuation de la démocratie, de même que celle de la survivance des minorités d'où qu'elles viennent. Bref, ne pas lâcher la proie pour l'ombre ou ne pas jeter le bébé (démocratique) avec l'eau du bain dans une perspective de scrutin présidentiel qui peut s'avérer être en 2027 celui  de tous les dangers. Cinq siècles avant notre ère, l'historien Thucydide avait eu l'occasion de critiquer le discours du chantre de la démocratie athénienne Périclès en dénonçant la démagogie et la rhétorique du mensonge comme dérive inhérente au fonctionnement de la démocratie et à sa vulnérabilité à se laisser corrompre : «Ceux qui lui succédèrent, plus égaux entre eux, et s'efforçant chacun d'atteindre la première place, cherchèrent à complaire au peuple et en remirent la direction aux caprices de la multitude. Il en résulta beaucoup de fautes…» N'est-ce pas précisément la phase décadente du cycle démocratique à laquelle on assiste actuellement avec la montée d'une internationale des extrêmes droites et dont la figure de proue n'est autre que le Président américain Donald Trump ?

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