Ce début de déclaration sous forme d'oxymore, on le doit à l'ex-Ambassadeur suisse en Russie et ancien haut-fonctionnaire fédéral, Yves Rossier, qui a fait son entrée dans l'émission radiophonique "Les beaux parleurs" du 2 mars 2025. Avec la volubilité qui sied à l'émission, il développe une chronique sur la nostalgie du paradis perdu qui, selon lui, est un moteur à toute sorte d'idéologie meurtrière, rappelant en cela toutes ces prétendues Révolutions qui n'ont débouché que sur des guerres, génocides, charniers et autres fosses communes: nazisme, maoïsme, Khmers rouges. Bref, tous les régimes politiques totalitaires qui sous couvert d'arguments utopistes n'aspiraient en réalité qu'à une seule chose: Priver l'Homme de son libre-arbitre pour l'asservir et l'exploiter, ou s'il résiste, l'emprisonner ou le tuer, comme au bon vieux temps du stalinisme (remplacé aujourd'hui par le poutinisme que le chroniqueur aurait également pu citer) et dont le credo est encore : "La mort résout tous les problèmes. Pas d'homme, pas de problème...", citation que l'antispéciste visé par la chronique aurait pu reprendre à son compte, mais certainement pas avec les mêmes motivations qui ont animé ou animent toujours les leader passés et actuels de ces régimes totalitaires. En somme, il y aurait tant de choses à dire sur ce sujet que l'on sait par où commencer. Ou plutôt si, par le commencement. Car, à part cet antispéciste que le chroniqueur nous dit avoir rencontré, il y a longtemps que, dans nos sociétés occidentales, le mythe du paradis perdu ne fait plus rêver, à commencer par la croyance judéo-chrétienne qui nous a bien fait comprendre que manger les fruits de l'arbre de la connaissance du bien et du mal nous avait chassé éternellement du Jardin d'Eden (Gn 2.17). Mais, ce qui menace le plus nos sociétés démocratiques actuelles n'a rien à voir avec les velléités simplistes d'un antispéciste à tendance écolo-radicale. Autant que je me souvienne, je n'ai pas connaissance que ce type de mouvance ait dépassé en terme de violence (ou devrais-je dire de non-violence en la circonstance) le stade des embouteillages avec ses activistes se collant les mains sur l'asphalte (Extinction-Rébellion) ou d'éventuels dommages à la propriété à bord du bateau "Sea Shepherd" dont le seul souci est de faire respecter les traités internationaux visant la protection des baleines. Même si le chroniqueur se défend de faire le procès de l'écologie radicale, force est de constater qu'on est aux antipodes du terrorisme meurtrier, de l'islamisme mortifère, des guerres d'agression, des velléités génocidaires (Ukraine, Gaza) et des assassinats politiques commandités par les kleptocrates de ce monde pour faire taire toute dissidence (empoisonnements, déportations, tortures ou sévices physiques et psychologiques). Et, si le danger n'est certainement pas le Grand Soir de l'antispécisme, il est incontestablement le primat de l'argent sur les valeurs démocratiques, la puissance des corporatismes et autres lobbies sur l'intérêt général, la force des armes et de la violence inouïe qu'elles recèlent pour tordre le droit international, mettre en péril la paix entre les peuples et détruire le Vivant. C'est la somme de nos vanités, lâchetés, tentations et faiblesses inavouables à nous laisser séduire par des dirigeants qui n'ont en ligne de mire que de vénérer et idolâtrer le veau d'or, l'argent pour seule finalité, et dont la puissance corruptive vient à bout des âmes les plus pures comme l'avaient évoquée les Hébreux (Ex 32.4). Et, c'est précisément ce à quoi nous assistons avec le retour triomphal du trumpisme. En décrétant ouvertement une politique expansionniste et agressive en matière de ressources naturelles et d'énergie fossile (pétrole, gaz, minerais, terres rares), il n'est plus question de se mettre à la recherche d'un paradis perdu, mais de transformer ou détruire ce qu'il en reste pour ne faire que du pognon rapidement et à bon compte.
C'est précisément ce que nous rapporte le récent reportage de l'émission "Mise au point" de la RTS à propos de cet immense tracteur-foreuse des fonds marins que Donald Trump souhaite obtenir de la part d'une entreprise suisse pour extraire du minerais à foison, en violation des traités internationaux signés par la Suisse interdisant toute extraction et exploitation commerciales des fonds océaniques. Et, pour donner de la force à son reportage, il semble que la RTS n'ait pas eu d'autre choix que de faire appel au témoignage du militant écologiste français, Hugo Clément (que les francophones connaissent bien pour son émission télévisée et sa chaîne YouTube "Sur le front"), afin d'interpeller qui ?, je vous le donne en mille, les Autorités suisses, et surtout réveiller nos mouvements écologistes qui, en la circonstance, brillent par leur absence (excepté l'intervention récente du conseiller national vaudois Raphaël Mahaim). Car, faute de retrouver le paradis perdu, la vraie quête actuelle est celle de faire advenir tous les paradis artificiels possibles et imaginables (de la réalité augmentée aux drogues de synthèse comme le fentanyl, l'éventail étant sans limite) pour nourrir désespérément cette fuite en avant matérialiste que bientôt plus personne n'aura la force d'âme de réfréner. À l'extrême violence passée s'est déjà substituée l'extrême corruption dans son acception la plus large qui, elle, fera advenir tous ces eldorados factices, ces nirvanas simulés, dont rêvent les nantis de ce monde. Le seul avantage que l'Humanité pourrait en retirer est d'espérer voir s'amoindrir la violence caïnite originelle par une autre beaucoup plus diffuse et sournoise qui est celle des machinations, des conflits d'intérêts, des trahisons, des malveillances, des mensonges et de la mauvaise foi qui, entre autres, envahissent impunément les réseaux sociaux, souillent nos consciences politiques et citoyennes, et entraînent des dommages sur les individus et les peuples aussi irréparables qu'incommensurables (voir en Suisse la disparition du permafrost et l'effondrement du glacier qui a englouti le village de Blatten dans la vallée du Lötschental, de même que ces laves torrentielles à répétition qui se produisent dans le Val de Bagnes): Une sorte d'amnésie du droit et de la morale, de purgatoire traumatique et d'enfer psychologique pour les plus vulnérables, mais rien qui ne ressemble à un quelconque havre de paix, encore moins à une "société parfaite" comme l'a étrangement exprimée le chroniqueur, si tant est que la perfection eût jamais fait partie de ce monde.
Post-scriptum: Comme l'émission "Les beaux parleurs" se plaît à récompenser les "perles" radiophoniques (lapsus, bourdes, contresens) rapportées par les auditeurs, les plus attentifs auront remarqué qu'Yves Rossier en a bel et bien commise une lorsqu'il déclare: "Créer le paradis sur Terre passe nécessairement par l'extrême violence, car il y a toujours des esprits sceptiques et chagrins qui rêvent d'autres choses. Ils sont dès lors non pas des adversaires, mais des ennemis du peuple, voire même des agents du mal puisqu'ils s'opposent à l'avènement d'une société parfaite." Une société parfaite ? Mais, sauf votre respect Monsieur l'Ambassadeur, l'avènement de cette société qu'on suppose non-violente puisqu'elle est prétendument parfaite, n'est-ce pas, à vous entendre, l'ersatz du paradis terrestre que vous dénoncez et qui réclame fatalement tout son lot de sacrilèges ?
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